ON
NE BADINE PAS AVEC L'HUMOUR !
Entretien
avec Disthène, auteur-compositeur-interprète amoureux de pop électronique.
"Une
machine, ça ne trompe pas". Ces quelques mots suffisent à justifier
le penchant de Disthène pour la musique électronique. Fervent
admirateur du groupe Depeche Mode depuis l'adolescence, il décide
un jour de créer son propre son. Mais pour ce chanteur Lyonnais
de 37 ans, la musique est aussi et surtout un moyen d'exprimer
des idées. Toujours agrémentés d'une pointe de dérision, ses textes
amusent, interpellent, provoquent, remuent les esprits. Cherchant
à stimuler sans cesse la réflexion du public, Disthène rêve de
voir le monde chanter une autre chanson…
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Vous vous définissez comme un explorateur des possibilités. En
quoi votre musique reflète-t-elle cette spécificité?
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Mon but est d'aller explorer le champ des possibles, de faire
ce qui n'a jamais encore été fait, quitte à en essuyer les plâtres
par la suite. Mon style musical est comparable à de la pop électronique.
Mes références sont entre autres Richard Gotainer, le groupe de
new wave britannique "Orchestral Manœuvres in the Dark", Etienne
Daho ou encore "Depeche Mode". Mais désirant sans cesse aller
à la découverte de ce qui n'existe pas encore, mon style demeure
très personnel et ne ressemble qu'à lui-même. Côté texte, j'essaie
toujours de trouver des thèmes inédits : mon premier album, "Secrets
trahis" sorti en 1993, aborde des sujets assez originaux tels
que les conflits de générations, les gourous, l'hypocrisie, ou
encore un truc bien joyeux… la mort ! (rires). La chanson "Verts
amers", titre phare de l'album, est également inhabituelle.
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Que raconte cette chanson ?
"
Verts amers " raconte l'histoire d'écologistes qui pètent les
plombs face à toute la pollution endémique qui ravage notre planète.
Le refrain déclare : "Terrorisme vert, terrorisme vert, ça peut
faire sourire et même mourir de rire, mais un jour on croisera
le fer, terrorisme vert." Ce n'est évidemment pas un appel
à la violence, mais un cri pour que l'on arrête le mépris et que
l'on prenne la planète en considération. La chanson a maintenant
14 ans, et la situation n'a toujours pas évolué. Aujourd'hui,
j'essaie d'être toujours un peu plus festif, tout en restant sérieux
et poil à gratter. Parler de choses très sérieuses que l'on entend
rarement, sans oublier d'y mettre de la dérision, parce que tout
est finalement dérisoire : voilà la philosophie de Disthène.
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Quelles ont été vos motivations pour vous lancer dans la musique
?
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J'ai commencé à faire de la musique en 1993, suite à un long métrage
que j'avais écrit, "Secrets trahis". J'avais 23 ans. L'idée était
de réaliser la bande musicale du film avant le film lui-même,
afin de pouvoir intéresser les producteurs en leur apportant les
ambiances de certains passages du scénario. J'ai donc fait appel
à des copains qui faisaient de la musique électronique pour faire
les morceaux. De fil en aiguille, j'ai ajouté du texte, puis j'ai
chanté. Le film ne s'est malheureusement pas fait. Mais réaliser
la bande originale du film a été l'élément déclencheur pour que
je poursuive dans la musique. Ma première motivation était en
effet de savoir qu'il était possible d'écrire, de chanter des
chansons et d'en faire un album. Observer mes amis composer au
moyen de synthétiseurs et d'ordinateurs m'avait également titillé.
J'ai acheté le matériel, j'ai commencé à faire de la musique électro,
et je n'ai jamais arrêté.
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Qu'est ce qui vous séduit dans le son électronique ?
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J'aime le côté inhumain que possède la musique électro. La musique
traditionnelle a pour moi ce côté humain et niais que je déteste
: elle fait passer trop d'émotions, un résultat primaire qui manipule
l'homme, notre pensée. C'est pourquoi je fuis vers le monde des
machines et l'électronique : une machine, ça ne trompe pas, ça
ne se ment pas. Si pour certaines personnes, la musique donne
l'impression d'être une puissance supérieure occupant l'espace
et le temps, la musique n'est pour moi qu'un simple bruit organisé.
Tout peut devenir musique dès lors qu'il y a une certaine structure
et qu'il y a évolution. J'ai découvert que Victor Hugo avait également
exprimé quelque chose de similaire. Mais loin de moi de me comparer
à Victor Hugo ! Nous sommes simplement d'accord pour désacraliser
la musique, tout en la respectant.
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Pourriez-vous citer et commenter trois de vos chansons préférées
figurant sur votre dernier album " J'ai oublié de fermer ma gueule
", sorti fin 2006 ?
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" Pas de place " est une chanson qui met en scène quelqu'un qui
prend le bus. Ce bus est une métaphore de notre société : le chauffeur
représente ceux qui nous gouverne, et les passagers des retraités
et jeunes diplômés. Le problème est qu'il n'y a pas de place pour
tout le monde, malgré tous les discours politiques et toutes les
envies personnelles que l'on peut avoir. Cette chanson se termine
quand-même sur un mot d'espoir, mais à condition de changer certaines
choses que l'on croit comme certaines. La deuxième chanson que
je prendrais en exemple est " Nouvelle Civilisation ". Il s'agit
d'un fou enfermé dans un asile qui explique qu'en utilisant la
monnaie, on ne s'en sortira pas. Le personnage, qui n'est pas
si fou, ne croit pas en un système qui utilise la monnaie.
La chanson s'achève par : "Démonstration ainsi faite, je suis
complètement taré. C'est pour ça qu'j'ai pris perpète dans un
asile d'aliénés. Aussi je n'ai qu'un espoir, celui de devenir
normal, être une pomme, une poire, et tant pis si ça fait mal.
Pourtant je sais que dans le fond, on est des centaines de millions,
à vouloir une nouvelle civilisation".
Pour
finir, une chanson qui fait des vacances à la tête ? : "Journée
de merde". C'est une chanson que beaucoup de gens croient autobiographique,
alors que je décris une journée de merde telle que tout le monde
peut la vivre. C'est aussi la chanson qui marche le mieux en concert,
elle utilise des clichés bien gros qui font réagir tout le monde.
Il y a beaucoup de chansons qui peuvent parler de nos journées
de merde, mais ce sont en général des chansons tristes. La nouveauté
ici est de tourner une journée de merde en une immense rigolade,
pour finalement dédramatiser et se dire : "mais putain, mais c'est
pas possible ! Comment on peut avoir autant de poisse que ça ?!",
et rire de la situation.
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Certaines de vos chansons s'accompagnent d'un clip vidéo que vous
réalisez vous-même et que l'on peut notamment découvrir sur votre
site Internet www.disthene.com. Pourriez-vous brièvement nous
parler de ces créations ?
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Mes clips vidéo sont en général en dessins animés : toujours dans
le but d'essayer autre chose, mais également parce que je trouve
ça rigolo. J'écris toujours le scénario, mais fais parfois appel
à des dessinateurs. Ce fut le cas pour les clips de "Gentil mouton"
et "Journée de merde". Par contre, j'ai réalisé les dessins et
assuré entièrement la production du clip "J'ai oublié de fermer
ma gueule". Cela exige une centaine d'heures de travail. Si l'écriture
des paroles naît souvent à partir d'une phrase réelle ou d'une
réaction que j'ai pu entendre, le jeu avec l'image est davantage
un voyage dans la tête. Pour représenter les hommes dans mes clips,
j'ai souvent recours aux animaux : poissons, moutons, pingouins,
requins… Le recours à l'animal est peut-être l'étape obligatoire
qui me permet de passer de la machine à l'humain… Ou qui sait,
je suis peut-être indirectement inspiré par Lafontaine ! (rires).
La difficulté avec les dessins animés est aussi de trouver le
juste équilibre pour être suffisamment pris au sérieux.
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Disthène sur scène, ça donne quoi ?
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Disthène sur scène, c'est théâtral. Je ne suis pas derrière un
micro fixe ni ne tiens de micro à la main. J'ai un micro-casque,
comme les grosses vedettes de la Star Académie ou Madonna (rires).
Bref, j'ai les mains libres. De ce fait, n'ayant pas de contraintes
techniques, mon jeu sur scène est beaucoup plus physique et bouffonesque.
Par exemple, je commence la chanson "Journée de merde" allongé
par terre en train de dormir. Ce qui ne m'empêche pas ensuite
de sautiller dans tous les sens, de bouger énormément. Je n'ai
pas de musiciens, même si c'est à l'étude. Ma musique est sur
bande : je dois aller l'arrêter après chaque chanson, ce qui me
permet d'être plus libre, de discuter avec le public, de faire
des jokes avec l' "orchestre" que je "mets en boîte"... Mon spectacle
est dynamique et très imagé. Il faut que les gens fassent une
partie du travail de l'imaginaire.
Interview
réalisée par E. Redon.
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